Comment peindre le vent en effet ?
"Pline l’Ancien, dans le livre XXXV de sa vaste Histoire naturelle écrite au Ier siècle ap. JC, rapporte que le peintre grec Apelle (IVe av. JC) avait surpassé tous ses semblables, en réussissant à peindre le tonnerre, la foudre et les éclairs, c’est-à-dire « cela qui ne peut être peint » ! Cet exemple est commenté par la plupart des auteurs de traités artistiques de la Renaissance qui posent ainsi la question de la « figurabilité » des éléments déchaînés et des plus mobiles de la nature.
Au début du XVIe siècle, Léonard de Vinci consacre plusieurs textes fondamentaux à l’air, à la tempête, au vent, au vol des oiseaux. « Comment peindre le vent », « Comment figurer la tempête » ne sont pas des questions mais de courts essais qui énoncent des conseils pratiques destinés aux peintres. Ces traités vont fixer pour trois siècles au moins les codes de la représentation du vent. Ceux-ci sont déclinés de manière thématique et descriptive le souffle n’est perceptible que par ses effets. La végétation — les arbres en particulier — la fureur des vagues, l’inclinaison des mâts des bateaux, les vêtements des personnages et leur corps en lutte, tout ce qui est flexible vient dès lors signifier la présence invisible du vent.
À la fin du XVIIIe siècle, l’attrait pour la peinture de paysage s’affirme, nourri par les théories esthétiques du pittoresque et du sublime développées en Angleterre notamment par William Gilpin et Edmund Burke. Le vent déchainé et le spectacle des effets dévastateurs qu’il cause produisent cette « sensation d’horreur délicieuse » qui caractérise le sublime. Même si l’étude sur le motif est encouragée et pratiquée (Pierre-Henn de Valenciennes), les scènes de tempête et d’ouragan sont toutes peintes dans le confort de l’atelier."
(Texte de l’exposition).